Ayman Odeh, le leader de la Liste Unifiée, est un des rares hommes politiques en Israël qui peut attendre quelque bénéfice de la troisième élection législative en un an. Sa formation se renforce et il jouit d’une popularité grandissante. Difficile de marcher dans les rues de Haïfa sans se faire arrêter par des Juifs, des Arabes - ceux qui ne le considèrent pas comme un terroriste - qui le saluent et l’embrassent.
Cet accueil chaleureux tient beaucoup au charme personnel d’Ayman Odeh mais il est aussi le résultat des récents événements politiques. Convoqué par le président Rivlin, il a soutenu le chef de Bleu Blanc pour former le prochain gouvernement et a manifesté sa volonté de faire partie de la coalition qui permettra le départ de Benyamin Nétanyahou.
Selon Dov Khenin, un ancien député de la liste Hadash dirigée en son temps par Ayman Odeh, il « est un dirigeant qui se tient en première ligne mais qui n’oublie pas de rester en contact avec sa communauté. Il a le courage de marcher en tête sans avoir mis un orteil dans l’eau avant pour savoir si elle était à la bonne température : il fait tout pour que sa circonscription le suive vraiment. »
Pourtant, Ayman Odeh reste entravé par des poids bien lourds, à commencer par la difficulté de rejoindre un gouvernement israélien – lequel pourrait poursuivre l’occupation et même déclencher une guerre à Gaza. Sans parler de la difficulté à parler de l’échec du nationalisme arabe dans la région. Sa marge de manoeuvre est la plus étroite qui soit pour un dirigeant politique en Israël – malgré son charme et son courage.
Par conséquent, il doit se cantonner à des objectifs plus faciles à atteindre. Le premier est d’aider à construire une coalition de 61 sièges sur les 120 que compte la Knesset – sans Yisrael Beiteinu d’Avigdor Lieberman. « Cela ne relève pas du miracle, c’est tout à fait réaliste », selon lui. « Nous avons besoin de deux députés supplémentaires de la Knesset et de deux venus des rangs de Bleu Blanc. C’est tout. De notre côté, nous générerons nos propres sièges, mon boulot est de hisser la participation de la communauté arabe de 60 à 65%. »
Recommenderiez-vous à nouveau Benny Gantz pour le poste de Premier ministre ?
« C’était une position technique, motivée par l’essentiel : plus de Nétanyahou ! Benny Gantz peut considérer ce soutien comme fondamental si son approche est la même que celle du gouvernement Rabin dans les années 90. Dans une telle situation, nous agirons comme nous avons agi et nous formerons une coalition pour empêcher Nétanyahou de rester Premier ministre.
Au premier tour, vous avez posé des conditions strictes à votre participation à cette coalition : l’annulation de la loi sur l’Etat-nation, l’abrogation de la loi qui durcit les sanctions à l’encontre des violations de construction, la lutte contre la criminalisation de la communauté arabe et la sécurité des municipalités arabes.
- Je pense que nous avons fait une erreur en posant ces conditions. Pas qu’elles ne soient pas importantes, elles le sont et doivent être appliquées. Mais je vais vous dire où était l’erreur. Prenez, par exemple, la question des pensions de retraite. Qu’est-ce que ça veut dire qu’un homme ou une femme âgé de 67 ans reçoive une pension de 3 200 shekels [900 €] ?
Pourquoi la principale revendication de la Liste Unifiée n’était pas de dire qu’elle ne négocierait rien avec personne si on ne commençait pas par augmenter les pensions de 2 000 shekels ? Cette fois, nous aurons des demandes pour toutes les personnes dans le besoin de ce pays. C’est moralement juste et ça créé une situation dans laquelle nous pouvons dire aux Juifs pauvres que nous avons quelque chose en commun. Je veux qu’eux aussi souhaitent que nous réussissions.
Ce pas de côté que vous effectuez s’explique-t-il par le fait que vous avez réalisé que pendant que les dirigeants arabes parlaient de nationalisme palestinien, la communauté arabe, elle, est plus intéressée par ses conditions de vie ?
- J’ai un problème avec ce point de vue. Je reste sur ce que je viens de dire mais la chose la plus importante reste la paix. Je considère que la fin de l’occupation changera tout.
Jusqu’où êtes-vous prêt à aller ? Si Benny Gantz vous confie un ministère, l’accepterez-vous ?
- Je n’aime pas les postes officiels.
Vous refuserez ?
- Ce n’est pas encore le moment. Ils ont même encore du mal à avaler que je les soutienne. Quand Benny Gantz accepte de s’asseoir avec nous et de se faire prendre en photo, il y pense mille fois. Alors de quoi parlons-nous ?
Oubliez Gantz et ses peurs. Je vous demande à vous ce que vous voulez.
- Il est inutile de parler d’une telle situation. Je connais Bleu Blanc. [...] Si je siège dans un gouvernement qui gère l’occupation, pendant que les enfants de Gaza continuent d’être blessés, je ne pourrais plus entrer dans le restaurant où nous nous trouvons. Si un processus de paix sérieux est lancé, si le gouvernement s’engage à régler trois ou quatre dossiers sociaux, il sera possible de penser sérieusement à la constitution d’un bloc. Est-ce que le Telem de Moshe Ya’alon est prêt à ça ? Je ne pense pas.
Ce sont eux qui bloquent la composition d’un gouvernement minoritaire ?
- D’après mes discussions avec Bleu Blanc, j’ai compris que c’était eux, oui. Pendant la période de négociation, j’ai rencontré Benny Gantz, Yair Lapid mais aussi Moshe Ya’alon. Je vous ai dit qu’il y avait une volonté de la part de Gantz et de Lapid de former un bloc pour faire tomber Nétanyahou, mais Ya’alon a insisté pour un accord plus large, dont ferait partie Lieberman. Il ne s’est pas opposé à ce que nous y soyons, mais il voulait que Lieberman y soit.
Tout le monde dit que Lieberman a refusé de faire partie d’un gouvernement où vous seriez. Mais si, pour faire tomber Nétanyahou, vous n’avez pas d’autre choix que de vous entendre ?
- Il n’est pas question de s’asseoir à la même table que Lieberman - ni dans un gouvernement, ni dans une coalition.
D’où vient cette haine tenace ? Avez-vous des relations avec lui ?
- Non. Aucune. Il ne m’a jamais adressé la parole. Ni d’ailleurs à personne d’autre de la Liste Unifiée.
Parce que vous êtes arabes ?
- Purement et simplement, oui. Il a essayé de diviser la communauté arabe et ses dirigeants, mais quand il parle d’échanges de population, il ne s’agit pas de bouger seulement deux députés, mais une communauté toute entière. Cet homme est un raciste, un menteur et un hypocrite. Nous ne coopérerons jamais avec lui.
Quels ont été vos rapports avec Bleu Blanc pendant cette période de discussions ? Comment avez-vous été traité ?
- Je pense que le parti de Benny Gantz nous a traités comme une homme traite sa maîtresse. Ils voulaient nous utiliser pendant deux ou trois mois, le temps de jeter Bibi dehors et de former un gouvernement d’union. Nous avons rencontré leur député Ofer Shelah en secret, il nous a demandé de ne rien dire à personne. J’ai accepté de terminer les négociations avant d’en révéler le contenu.
Comme un homme qui ne veut pas qu’on sache qu’il a une aventure, ils étaient très en colère. J’ai fait ça intentionnellement, pour montrer à tout le monde que certes nous discutions mais que ce n’était pas la fin du monde pour autant. Nous nous sommes assis, nous avons pris des photos et nous avons discuté.
En gros, vous me dites que la possibilité que vous soyez nommé ministre est complètement impossible : vous vous battez juste pour une photo avec Gantz ?
- Depuis 1948, il n’y avait jamais eu de photo d’un député arabe assis à la table des négociations en vue de la formation d’une coalition gouvernementale en Israël. Il n’y a même pas eu de photos de députés arabes avec Rabin en 1992. C’est important pour la légitimité des Arabes. Depuis les événements d’octobre 2000, nous sommes devenus infréquentables, aussi bien à droite qu’à gauche. Un de mes objectifs principaux est de faire des Arabes - qui représentent 20% de la population - des membres légitimes à part entière de la société israélienne. Selon moi, soutenir Gantz et s’asseoir avec lui devant les caméras était une étape importante.
Ayman Odeh estime que ses gestes ont mené à des changements dans la communauté arabe.
Aujourd’hui, nous ne sommes plus au même point qu’il y a trois mois. Les sondages montrent que 54% des électeurs de Bleu Blanc estime que Gantz devrait former un gouvernement de coalition avec nous. Je crois que c’est à cause de ce que je viens de vous expliquer. Nous devons les laisser gamberger et nous verrons où ça les mènera.
Vous répétez que ce qui compte avant tout c’est de remplacer Nétanyahou. Un gouvernement de coalition Bleu Blanc / Likoud mené par quelqu’un comme Gideon Sa’ar vous semble-t-il une meilleure option ?
- Tous les premiers ministres depuis Ben Gourion jusqu’à Ehud Olmert sont responsables de 10% de l’incitation à la haine contre les Arabes. Nétanyahou est responsable des 90% restants. Alors premièrement, on se retrouve avec Bleu Blanc pour le faire tomber. Dans le cas que vous évoquez, je serai le dirigeant d’opposition le plus militant qu’il n’y ait jamais eu. Enfin il y aura une vraie opposition. Et pour la première fois, ce sera un arabe qui la dirigera.
Bénéficierez-vous d’une protection du Shin Bet, ce même service de sécurité qui vous a interrogé quand vous aviez 16 ans ?
- On y pensera le temps venu.
L’unité. Maintenant.
Au cours de l’entretien, Ayman Odeh appelle à un rapprochement entre le Parti travailliste et le Meretz, un rapprochement qui pourrait aider son propre parti en amenant l’extrême gauche du Meretz à voter pour la Liste Unifiée. Pourtant, j’ai l’impression qu’il ne le dit pas pour ça, qu’il est honnête et que son véritable objectif est de mettre fin au règne de Nétanyahou en atteignant les 61 députés nécessaires - sans Lieberman. Un objectif plus important que quelques votes de gauchistes juifs en plus.
Il y a des différences idéologiques entre le Meretz et nous. Entre le Parti travailliste et nous, c’est plus que des différences idéologiques, c’est toute l’histoire ! Mais nous devons tous faire preuve de responsabilité. Nous devons nous demander comment chacun peut faire sa part pour clore le règne de la droite emmenée par Nétanyahou.
Comme le dit Ayman Odeh, s’il peut faire une alliance électorale avec le Mouvement islamique, alors le leader du Parti travailliste Amir Peretz peut faire la même chose avec Nitzan Horowitz du Meretz.
[...]
Comment comprenez-vous l’entêtement de Peretz ?
- Il croit qu’il peut gagner deux sièges à droite. Avec tout le respect que je lui dois, je crois qu’il se trompe. Ceux qui votent aujourd’hui pour Amir Peretz sont les 4 députés travaillistes traditionnels, plus deux autres possibles venus d’ailleurs. Ce n’est pas un tel mouvement qui cassera les habitudes électorales ethniques et sectorielles qui ont toujours servi Nétanyahou et la droite.
Le Shas, c’est 100% mizrahi. Le Judaïsme unifié de la Torah, c’est 100% ashkénaze. Le Likoud, 85% mizrahi, le Meretz 90% ashkénaze, Lieberman c’est 90% de Russes et malheureusement, la Liste Unifiée, c’est 90% d’Arabes.
Il n’y a pas longtemps, un mizrahi m’a interpellé ; pauvre homme, il portait une étoile de David plus grosse que sa poitrine et elle n’était là que pour dire : je ne suis pas un Arabe. J’ai regardé son visage et je pensais qu’il était arabe, avant de voir cette étoile. Qui peut briser cette dichotomie ethnico-sectorielle ?
Vous dirigez pourtant le plus sectoriel des partis, comme vous le dites vous-même.
- La plus grande division de ce pays est le fossé national et nous sommes une minorité nationale. Ce que nous avons raté en créant la Liste Unifiée, c’est de franchir un pas de plus et de penser à un cadre judéo-arabe plus large. Nous n’avons qu’un seul juif dans nos rangs et ce n’est pas suffisant du tout. Clairement et simplement. Quant à notre programme, il est bon pour toute la société israélienne.
[...]
Au sein de la communauté juive de gauche, tout comme chez les Arabes de gauche, ils sont nombreux à espérer vous voir prendre la tête d’un parti de gauche judéo-arabe fondé sur une vraie coopération. Est-ce que c’est ce que vous ferez après les élections ?
- La priorité dans l’immédiat, c’est de renforcer la Liste Unifiée et de décrocher 15 sièges. C’est le but N°1 en ce qui me concerne. Dans un avenir proche, il s’agit plus de préserver notre liste plutôt que de construire un mouvement populaire avec des Juifs et des Arabes.
A quoi ressemblerait un tel mouvement ?
- La Paix Maintenant est le meilleur exemple, mais il y a aussi Gush Emunim, le pire. Un mouvement populaire peut changer des choses à partir d’en bas de manière très sérieuse. Après, laissons la dynamique changer les choses.
Vous ne pouvez pas laisser quelqu’un d’autre faire le boulot. Vous avez les mains dedans désormais, c’est votre responsabilité. Vous pouvez fonder un parti qui changerait complètement le visage de la gauche.
- Je n’irai pas plus loin avec vous parce que ce sont deux mois historiques. Pour moi, le plus important est d’atteindre 61 sièges sans Lieberman.
Ce serait une bonne nouvelle pour vous si le Meretz disparaissait ? Une grande partie de ses électeurs vous rejoindrait.
- Savez-vous que le ministre de la Défense Naftali Bennett parle d’annexer la zone C ? Qu’est-ce qui est le plus urgent : arrêter la droite ou grappiller quelques votes de plus ? Je ne pense pas du tout à ça. Les différences entre le Meretz et nous sont claires mais nous ne pouvons pas les laisser ne pas franchir le seuil électoral. C’est une formation importante et ce n’est absolument pas le moment de l’attaquer.
Peut-être que c’est la Liste Unifiée qui est un obstacle à une coalition de gauche ?
- Alors je vais vous dire, en tant que chef de ce parti, que oui, tout n’est pas parfait. Nous avons loupé pas mal de choses. Une d’entre elles est cette coopération entre Juifs et Arabes. C’est là en théorie, dans notre programme, mais pas sur notre liste. Il faut progresser sur ce point, sans aucun doute.
Vous parlez de gagner 15 sièges. Combien de Juifs auriez-vous sur votre liste, dans l’idéal ?
- Dans mes rêves, je gagne 30 sièges, 15 pour les Juifs et 15 pour les Arabes.
Cette vision inclut-elle les Arabes nationalistes de Balad et le Mouvement islamique ?
- Le programme de Balad est démocratique et libéral. Quand le racisme est sévère, il y a des parties qui se séparent d’elles-mêmes du reste et qui s’en vont. Quand l’espoir revient, ils relèvent soudain la tête et disent, walla, on y va. C’est possible.
Une nouvelle sorte de démocratie
Ayman Odeh estime qu’aux élections de septembre, l’équivalent d’un peu moins d’un siège gagné par la Liste Unifiée a été élu par les électeurs juifs. Il s’efforce de se battre pour chaque vote juif, ce qui explique la coopération qu’il appelle de ses voeux.
Qu’offrez-vous à un électeur juif d’autre que la solidarité avec la communauté arabe ?
- Le programme de la Liste Unifiée est un vrai programme de gauche. Pas seulement en terme de nombre de sièges mais aussi en terme de propositions.
Balad, c’est la gauche ?
- Politiquement, oui. Sur l’échiquier politique, Balad est à gauche. Aucun doute, c’est compliqué, même avec le Mouvement islamique. Son idéologie n’est pas de gauche mais parce qu’en Israël la ligne de fracture entre droite et gauche, c’est le processus de paix – et non les politiques sociales et économiques – alors ils sont à gauche. Seul notre programme défend les droits nationaux des deux peuples, une égalité sociale pour les deux peuples et l’établissement d’une vraie démocratie dans le pays. Je me souviens quand on parlait de deux Etats pour deux peuples dans les années 80, nous avons été attaqués de tous les côtés. Aujourd’hui, tout le monde est au même endroit.
Quand vous parlez de deux Etats, que voulez-vous dire ? Un Etat palestinien et un Etat juif, l’un à côté de l’autre ou alors, comme le soutient Balad, un Etat palestinien et un Etat pour tous les citoyens ?
- Une partie du compromis historique est que nous devons tous reconnaître que les Juifs méritent le droit à l’autodétermination dans l’État d’Israël parce qu’ils sont un peuple, et que les Palestiniens, qui sont un peuple aussi, doivent pouvoir bénéficier de leur droit à l’auto-détermination dans un État palestinien indépendant. Mais le droit à l’autodétermination des Juifs ici, dans l’État d’Israël, ne doit pas porter atteinte à nos droits civils et nationaux.
Considérez-vous la Déclaration d’Indépendance, signée aussi par Meir Vilner pour le Parti communiste, comme un document légitime ?
- C’est une déclaration rédigée sur les victimes de notre peuple en 1948. Elle a été signée seulement par des Juifs. C’est l’antithèse de l’idée de partenariat que je défends. Nous devons être partenaires pour construire l’avenir de notre pays.
Alors quelle est la définition d’un tel État où le peuple juif peut réaliser son droit à l’autodétermination ? L’État-nation des Juifs ? Un État qui est le foyer national des Juifs ?
- Je préfère avoir une discussion sur le contenu plutôt qu’une discussion sur les symboles, car une discussion sur les symboles n’est ni pragmatique, ni profonde.
Si vous demandez à un Israélien moyen si les Arabes méritent des droits nationaux, il répondra qu’ils méritent des droits civils - mais seuls les Juifs méritent des droits nationaux. Il dira que les Arabes ont 22 patries nationales - comme si la Libye était mon pays … Je ne sais même pas à quoi ça ressemble.
Mais quand vous demandez à un Israélien : acceptez-vous que la langue arabe soit une langue officielle comme elle l’a été depuis 1922 ? Êtes-vous prêt à reconnaître le massacre de Kafr Qasem ? Il sera d’accord. Après tout, La Poste a bien des timbres de [l’écrivain arabe] Emile Habibi. Cela dérange quelqu’un ?
Quand vous êtes arrivé à la présidence pour rencontrer Reuven Rivlin, vous avez accéléré le pas à l’entrée pour éviter de vous faire prendre en photo avec le drapeau israélien.
- Je veux pouvoir me reconnaître dans les symboles du pays en fonction du pourcentage de notre population. Je veux que tous les symboles du pays reflètent le point de vue d’un pays destiné à nous tous, et pas seulement à vous. Je parle le moins possible des symboles parce que les règles du jeu ne sont pas justes. Il y a des villages non reconnus dans le Néguev qui n’ont ni eau ni électricité et quand je me bats pour eux, viennent-ils me demander de parler de l’hymne national ?
Qu’en est-il de la loi du retour ou d’institutions comme le Fonds national juif ?
- Ca suffit avec ça. Qu’est-ce que c’est que le FNJ ? Où vivons-nous ? Un pays normal doit agir normalement et pas comme s’il était en état d’urgence permanent … Dans les cas d’urgence, oui, certaines positions sont possibles pour mener à un accord particulier, mais la loi du retour doit absolument être modifiée.
Est-ce que vous croyez à ce que vous dites quand vous parlez de deux Etats ? Est-ce que cela peut vraiment arriver ?
- Absolument. L’État palestinien doit être établi dans les frontières de 1967 aux côtés de l’État d’Israël. Je pars du principe que nous voterons pour tout accord entre l’OLP et Israël soumis à la Knesset. Quiconque parle d’un seul État perpétue la situation actuelle où on nous dit d’attendre encore 30 ans que les Juifs soient convaincus et alors, on lancera les négociation.
Comment cela peut-il arriver alors que les ressources et leur exploitation sont entre leurs seules mains ? Nous sommes dans une situation où la moitié de la population est en faveur de deux États et on se mettrait à désespérer ? Je ne peux pas m’asseoir sur le mont Carmel et dire aux habitants de Cisjordanie, derrière les checkpoints, d’attendre encore 30 ans. Un intellectuel de gauche ne peut pas s’asseoir boulevard Rothschild, à Tel Aviv, et dire aux Palestiniens de Gaza d’attendre.
Inconfort régional
Quand vous entreprenez Ayman Odeh sur l’instabilité de la région, un certain embarras se fait sentir. Il essaie de passer entre les gouttes. Nous nous rencontrons au lendemain de l’assassinat de Qassem Soleimani par les États-Unis, que certains membres de la Liste Unifiée ont condamné.
Le message contre l’assassinat en tant qu’acte violent et la peur de voir la région basculer dans une plus grande violence est clair. Mais que pensiez-vous de cet homme ?
- Le régime iranien n’est évidemment pas le régime sous lequel je voudrais vivre, pour des raisons idéologiques. Je suis profondément laïc. Mais je ne veux pas d’assassinats et je ne veux pas qu’une guerre éclate. La présence des États-Unis au Moyen-Orient a coûté la vie à des millions de personnes parce que ce qui compte, c’est de tirer parti du pétrole et des ressources de la région au détriment des peuples.
Le problème au Moyen-Orient et dans le Golfe Persique, c’est les États-Unis ? Pas l’Iran ? Ni le Hezbollah qui pointe ses missiles vers ma maison et la vôtre ?
- Quand ils ont demandé à Mohammed Ali d’aller se battre au Vietnam, il a répondu : « Aucun Vietcong ne me traitera jamais de nègre. » Aucun Iranien ne me traitera jamais de sale Arabe. Je continue de penser que le problème principal au Moyen-Orient n’est pas le débat entre modérés et extrémistes, mais bien le problème palestinien. En 2004, tous les pays arabes et islamiques ont soutenu l’initiative de paix, dont l’Iran. Dans ce cas, c’est Israël qui a dit non. Le rejet d’Israël, c’est le problème.
Je sens que ces questions régionales vous mettent mal à l’aise. Vous ne vous identifiez pas au Hezbollah mais vous ne le condamnez pas non plus. Alors vous dirigez vos critiques contre Israël et les États-Unis.
- Ce qui est tragique, c’est que quelqu’un comme moi n’a pas de modèle au sujet duquel je puisse dire : « C’est ce qui me représente ». Par exemple, si je devais voter au Liban, je voterais pour le Parti communiste. Puis-je soutenir les régimes dictatoriaux du Moyen-Orient et les régimes primitifs du Golfe ? Non. Mais si vous me demandez qui a causé le plus grand mal à l’humanité au cours du dernier demi-siècle, je répondrais sans hésitation : les États-Unis. »
Traduction AFPS